la Vie après la mort (suite) 3° conférence

« La vie après la mort »

de Rudolf Steiner

 

 

Troisième Conférence : 25 mai 1924.

 

 

Nous avons parlé de la vie qui s’écoule entre la mort et une nouvelle naissance, et nous avons vu, à ce sujet, comment l’homme se trouve après la mort dans un monde extra-terrestre, le même monde extra-terrestre qui nous apparaît ici-bas à travers ses signes, car les étoiles sont les signes d’un autre monde. Si on interprète ces signes, cette interprétation peut être, en même temps, celle des mondes spirituels, celle des mondes que nous contemplons nous-mêmes entre la mort et une nouvelle naissance.

Nous avons vu que l’homme entre dans une sphère lunaire, dans une sphère de Mercure, dans une sphère de Vénus, et nous en sommes venus hier à la considération de la sphère solaire. J’ai exposé aussi la manière dont on peut accéder, par la connaissance initiatique, à la contemplation de ces mondes successifs. Lorsqu’on s’est acquis la faculté de jeter un regard dans les mondes spirituels, grâce aux méthodes qui sont décrites dans mes livres, alors on obtient tout d’abord une vision rétrospective de l’ensemble de sa vie terrestre. Elle apparaît là d’un seul coup, comme étalée en un vaste tableau, et on la revit par périodes qui durent toujours environ sept années.

C’est d’abord notre première enfance jusqu’à l’âge de la seconde dentition. Lorsque nous la pénétrons du regard, les Mystères de la sphère lunaire s’éclairent à nos yeux. Si nous pénétrons ce que nous avons vécu entre la septième année, époque de la seconde dentition, et la quatorzième année, époque de la puberté, nous voyons rayonner les Mystères de la sphère de Mercure. De la quatorzième ou quinzième année jusqu’au début de la vingtième année, alors que l’être humain a

franchi l’étape de la puberté, s’écoule une période dont la vision rétrospective nous fait apercevoir les Mystères de la sphère de Vénus. Lorsqu’on revit, après la mort, la période de vie qui s’est

écoulée entre la vingt-et-unième année et la quarante deuxième année, période de la maturité durant laquelle on est à l’apogée de sa vie humaine sans que le déclin se fasse encore sentir, la vision rétrospective de cette période permet l’accès des Mystères de la sphère solaire.

Ces Mystères consistent en ce fait que dans la sphère solaire, comme je l’ai déjà indiqué hier, il n’existe point d’effets naturels. Rien n’existe, dans la sphère solaire, de ce que nous

percevons ici dans la nature terrestre, sous le nom de causes et d’effets. Quand nous avons fini de traverser les sphères de la Lune, de Mercure et de Vénus, et que nous pénétrons dans la sphère solaire, nous n’avons plus autour de nous des effets naturels, mais seulement des effets moraux et psychiques. Tout ce qui est bon a ses résultats correspondants, tout ce qui est mauvais est tombé depuis longtemps dans la sphère lunaire. La sphère du Soleil n’est que bonté, bonté rayonnante et lumineuse. Le mal ne peut y avoir de place, et nous devons vivre dans cette existence solaire, nous les hommes, souvent pendant des siècles, parce que le temps se trouve pour ainsi dire plus « étiré » durant la vie entre la mort et une nouvelle naissance, qu’il ne l’est sur la terre.

 

Dans cette sphère solaire, nous nous trouvons en compagnie des autres âmes qui, comme nous, ont quitté l’existence terrestre, à travers les portes de la mort, qui sont entrées comme nous dans le monde spirituel, et avec lesquelles nous étions liés par le Karma. Mais nous entrons aussi, dans cette sphère solaire, au sein du domaine des Exusiaï, des Dynamis, des Kyriotetes. Ce sont là des Entités qui vivent entièrement dans les effets spirituels, des Entités d’un caractère purement

spirituel. Et l’ambiance morale que nous avons autour de nous dans la sphère solaire, appartient à ces Entités de la même manière que les règnes minéraux, végétaux et animaux appartiennent à l’entité de la terre.

Si l’on veut comprendre ce qu’est la vie de l’âme humaine dans la sphère solaire, il faut se rendre compte que, sur la terre, l’homme se tient debout, limité dans l’espace, en quelque sorte, par son enveloppe physique. Tout ce qui se trouve à l’intérieur de cette enveloppe, nous disons que c’est nous-mêmes. Tout ce qui se trouve à l’extérieur, nous l’appelons le monde. Et nous partons de notre être intérieur pour diriger notre regard vers le dehors, vers le monde.

Ce qui se produit dans la sphère solaire est exactement l’opposé. Nous sommes alors dans tout ce que nous nommons ici le monde, la Lune est en nous, et non pas hors de nous, Mercure est en nous, la sphère solaire, même avec tout son domaine spirituel, est en nous et non pas hors de nous.

Ici-bas, dans la vie terrestre, nous distinguons entre notre corps et notre tête, nous nous rendons compte que la tête, étant l’organe de la connaissance, doit s’isoler, jusqu’à un certain point, du reste du corps pour pouvoir accomplir ses fonctions, et qu’elle doit être organisée autrement que le reste du corps. Dans la sphère solaire, nous savons que nous possédons l’organisme universel, qu’il nous appartient, mais qu’il se trouve différencié en être lunaire, en être de Mercure, en être de

Vénus, en être solaire. Toutefois, nous possédons encore autre chose de spécial, comme ici-bas nous possédons notre tête ; cette partie spéciale de nous-même, c’est Mars, Jupiter et Saturne, c’est ce qui constitue, en quelque sorte, notre tête dans l’existence solaire. Nous pouvons exprimer comme suit :

dans l’existence solaire, la Lune, Mercure et Vénus deviennent nos membres, le Soleil lui-même devient l’ensemble de notre système rythmique, cœur et poumon, qui correspond dans la vie solaire à toute la sphère du Soleil avec ses entités spirituelles. Par contre, ce qui est ici-bas notre organe de

compréhension, de raisonnement, la tête, c’est, dans la sphère solaire, ce que nous trouvons sous le nom de Mars, de Jupiter et de Saturne.

De même qu’ici-bas notre tête comprend une partie inférieure, la bouche, qui nous permet de parler, dans la sphère solaire, la condition de notre vie, c’est que nous portons Mars dans notre

organisme universel grâce au Verbe cosmique ; ce Verbe résonne à travers les espaces. Sur la terre, nous portons dans notre tête les pensées, les petites pensées si étroitement terrestres, de même nous portons la sagesse cosmique en nous sous la forme de Jupiter ; et, tout comme ici-bas nous avons

des souvenirs, nous portons en nous, dans l’existence solaire, l’existence saturnienne qui nous donne des souvenirs cosmiques.

Durant notre existence terrestre, nous vivons à l’intérieur de notre peau et nous regardons au dehors ; dans l’existence solaire, nous vivons comme je l’ai décrit, et nous contemplons un monde extérieur qui n’est autre que l’homme. L’homme nous apparaît alors comme constituant notre univers extérieur, non pas, naturellement, l’homme dont traite l’anatomie terrestre, mais quelque chose qui est en soi aussi grandiose, aussi puissant, aussi majestueux que l’univers avec toutes ses

étoiles. Tant que nous en restons au point de vue terrestre, nous nous faisons, à vrai dire, une opinion beaucoup trop étroite de ce qui est réellement enfermé dans les limites de l’être humain ; il est bon qu’il en soit ainsi, sinon l’homme tomberait dans la folie des grandeurs ; mais, au fond, tous

 les hommes, sur la terre, sont les porteurs de toutes les Hiérarchies qui épanouissent leur être dans l’homme. Ce qui se trouve dans l’homme, cette chose beaucoup plus grandiose que le monde stellaire tout entier, que tous les mouvements et toutes les apparitions des astres, est notre monde extérieur dans l’existence solaire. De cette contemplation du corps humain, nous puisons des directives qui nous permettent de travailler à notre incarnation future avec des entités que j’ai

nommées déjà : les Exusiaï, les Dynamis, les Kyriotetes, avec les Entités de la Hiérarchie des Anges qui vivent dans la sphère lunaire, avec celles de la Hiérarchie des Archanges qui vivent sur Mercure, avec celles de la Hiérarchie des Archées qui vivent sur Vénus, et avec toutes les âmes humaines auxquelles nous sommes karmiquement liés.

Ce travail qui s’accomplit dans l’existence solaire pour la gestation d’un homme à venir, d’une vie humaine terrestre à venir, ce travail est quelque chose de beaucoup plus grandiose que sur la terre, toutes les créations de l’homme qui ont pour résultat les civilisations. Car, dans les civilisations terrestres, il n’y a, somme toute, que des créations humaines. L’homme, par contre, n’est pas seulement une création humaine. Certes, il collabore, dans l’existence solaire, à la formation de sa vie terrestre future, mais le résultat serait pitoyable s’il devait travailler seul, avec d’autres âmes humaines, à cette merveilleuse construction que présente son être terrestre. Il lui faut,pour cette édification, l’aide de toutes les Hiérarchies supérieures. Ce qui naît d’une mère humaine n’a pas pris son origine sur la terre, la terre ne lui fournit qu’un théâtre d’action; dans le substratum, qui provient de l’hérédité physique, une admirable création cosmique vient s’incarner, formée au sein des mondes suprasensibles, dans l’existence solaire.

Lorsqu’on conçoit de telles réalités en vertu des pouvoirs de connaissance qui y correspondent, on se sent porté à lever les yeux vers le soleil et à se dire : déjà son rayonnement physique est beau, déjà belle est cette chaleur solaire qui vient baigner la terre ; mais, lorsque la connaissance de ce que le soleil est réellement nous pénètre, un nouveau sentiment monte en nous: là-haut, où l’édifice solaire passe par les étendues cosmiques, là-haut se trouve le champ d’action où les générations humaines futures sont engendrées sous leur première forme spirituelle ; là-haut, les Hiérarchies supérieures travaillent en union avec les âmes humaines qui ont vécu parmi nous durant  leur dernière vie terrestre, elles travaillent à la formation des hommes de l’avenir. Ce grand globe solaire est réellement l’embryon spirituel de la vie terrestre future dont nous portons en nous le pressentiment, et c’est, à vrai dire, la moitié du temps de notre existence solaire que nous passons

ainsi, avec les dieux, occupés à former la substance de notre être humain futur.

Lorsque cette moitié de temps est consommée, nous arrivons au point que j’ai nommé dans mes Mystères « le minuit suprême de l’existence » ; alors commence un nouveau travail. Vous savez que l’existence solaire est toute bonté. Si l’existence terrestre future ne devait être élaborée que de la manière dont je vous ai parlé jusqu’à présent, par la plus haute sagesse cosmique, les êtres qui s’incarneraient sur la terre ne seraient plus des hommes, ils seraient des êtres angéliques, des êtres d’une bonté toute divine, mais ces êtres de bonté céleste ne seraient pas en possession de la liberté morale, il n’y aurait en eux aucune liberté, car leur nature les obligerait à ne jamais

accomplir que le bien, comme effet de l’existence solaire dont ils seraient émanés. Ils n’auraient pas la possibilité de choisir entre le bien et le mal.

Durant la seconde moitié de l’existence solaire, une partie de la réalité humaine due au travail des Entités Solaires se trouve transformée et recréée de telle sorte qu’elle s’évanouit dans

une certaine mesure et qu’il en reste seulement l’image. Tout d’abord l’homme est formé de manière à devenir, jusque dans son organisme, un être uniquement bon. Puis, une partie de ce qui a été formé de la sorte, au lieu d’accéder à la réalité humaine dans la seconde phase de l’existence solaire, n’y devient qu’une image, de telle sorte que nous poursuivons notre chemin dans l’existence solaire, en partie comme des réalités spirituelles, en partie comme des images.

Ce qui de nous est réalité spirituelle fournit le substratum de notre corps terrestre futur, ce qui est seulement image fournit le substratum de notre tête. C’est parce que notre tête est seulement une image qu’elle peut se remplir d’une matière plus dense que le reste du corps, d’une matière osseuse. Mais, en même temps, dans cette partie qui est image et non pas réalité spirituelle, s’incorpore un élément dans lequel nous reconnaissons, ici-bas, sur la terre, l’écho, le reflet de cette

image. Les besoins de notre estomac, de notre foie, etc., nous apparaissent comme des nécessités naturelles, mais l’impulsion morale qui réside en nous, nous la ressentons ici-bas comme une chose spirituelle. Et cette chose que nous ressentons spirituellement, cette voix qui résonne en notre conscience, cette impulsion morale, s’est formée, quant à son germe, dans cette partie de l’embryon solaire de l’homme que nous avons décrite et qui est uniquement image.

La terre, en son évolution, l’humanité elle-même dans l’évolution qu’elle accomplit sur la terre, ont une histoire. La civilisation, la culture se développent à travers le cours de l’histoire. La vie solaire que nous traversons pendant une longue durée de notre existence spirituelle, entre la mort et une nouvelle naissance, a aussi une histoire. Or, l’événement le plus important de l’histoire terrestre est le Mystère de Golgotha, et nous distinguons, dans le cours de l’histoire terrestre, les

événements qui précèdent ce Mystère de ceux qui l’ont suivi. D’une manière toute semblable, pour comprendre l’existence solaire au sein de laquelle les hommes vivent entre la mort et la naissance, on doit distinguer entre ce qui s’y passait avant que le Mystère de Golgotha se soit produit sur la terre, et ce qui s’y passa ensuite. Voici pourquoi : lorsque nous considérons la vue de la terre jusqu’à l’événement de Golgotha, nous n’y trouvons pas la présence de l’entité du Christ, le Christ est attendu sur la terre, mais il n’y est pas encore présent, il réside encore dans son existence solaire.

Les Initiés, dans les Mystères, possédaient des méthodes pour participer, de leurs lieux sacrés, à la vie du Soleil. Lorsque ces Initiés pouvaient monter dans les sphères supérieures, grâce à

un pouvoir indépendant du corps, ils arrivaient, loin de la vie terrestre, et par l’initiation, au Christ.

Car le Christ pouvait être trouvé sur le Soleil. Mais après ce qui s’est accompli sur la terre, lors du Mystère de Golgotha, le Christ ne se trouve plus dans le Soleil, il s’est uni à l’existence terrestre.

Pour la terre le contraire se produisit, car, autrefois, le Christ ne se trouvait pas sur la terre ; plus tard on put l’y trouver.

Si l’impulsion du Christ a été décisive pour l’existence terrestre, elle l’a été tout autant pour la vie solaire. Il nous faut, ici-bas, faire de grands efforts pour approfondir notre vie psychique

intérieure au point de pouvoir faire l’expérience du Christ, afin de pouvoir nous remplir intimement du Christ, nous christianiser entièrement. De même, durant la vie solaire, il nous est difficile

d’apercevoir l’ensemble de l’être humain dans sa réalité profonde, de voir la véritable entité humaine, comme je l’ai dit plus haut. Voir l’être humain après la mort, dans l’existence solaire, était une chose particulièrement difficile aux époques reculées de l’évolution humaine, alors que régnait, sur la terre, une clairvoyance instinctive. Justement le fait que l’homme était capable, sur la terre, de percevoir en lui-même quelque chose de spirituel, le rendait presque inapte à contempler, dans la

vie solaire, le Mystère de l’être humain devenu monde extérieur. Or, avant le Mystère de Golgotha, le Christ était celui qui, dans le monde solaire, donnait aux hommes la force de contempler vraiment et entièrement le Mystère de l’entité humaine. Depuis le Mystère de Golgotha, il nous faut, aussi

longtemps que nous sommes des hommes terrestres, opérer en nous cet approfondissement de l’âme qui se produit lorsqu’on contemple le Mystère de Golgotha, lorsqu’on vit entièrement dans ce Mystère et lorsqu’on participe à la vie du Christ. C’est de cette manière seulement que nous pouvons rassembler en nous, durant notre vie terrestre, en toute libre conscience, les forces que nous emporterons à travers la mort et qui nous rendront aptes à contempler l’entité humaine dans l’existence solaire.

Avant le Mystère de Golgotha, le Christ agissait sur l’homme, entre la mort et une nouvelle naissance ; il lui donnait la force de voir l’entité humaine dans l’existence solaire ; après le Mystère du Golgotha, le Christ prépare l’homme, tant qu’il est sur la terre, à contempler la plénitude de l’être humain lorsqu’il accédera au Soleil. Ainsi, nous n’apprenons à connaître toute la réalité du Christianisme que lorsque nous levons les yeux plus haut que la terre, vers la vie du Soleil.

Lorsque, grâce à la science initiatique, nous nous approchons de ce qui surgit dans l’homme, de ces aptitudes morales, de ces forces guérisseuses, notre imagination, notre inspiration, notre

intuition, ne nous suffisent plus ; il faut encore que l’imagination, l’inspiration, l’intuition, soient renforcées par les dons que nous pouvons recevoir des sphères plus éloignées dans lesquelles l’homme glisse, pour ainsi dire, lorsqu’il a terminé sa longue vie solaire : les sphères de Mars, de Jupiter et de Saturne.

Pour juger de la seconde moitié de l’existence qu’un homme vit entre la mort et une nouvelle naissance, il nous faut distinguer, à nouveau, dans le tableau rétrospectif de la vie terrestre écoulée, certaines périodes d’une durée de sept ans. Mais, comme je l’ai déjà fait remarquer, on ne saurait avoir cette vue d’ensemble que lorsqu’on a vécu au-delà de la soixante-troisième année.

Lorsque nous revoyons la phase de vie qui s’est étendue de la quarante-deuxième à la quarante-neuvième année, nous voyons émaner de cette phase de vie les Mystères qui sont ceux de Mars. De la quarante-neuvième à la cinquante-sixième année, ce sont les Mystères de Jupiter que nous voyons rayonner. Et, de la phase de vie qui s’étend de la cinquante-sixième à la soixante-troisième année, nous voyons émaner les Mystères de Saturne. Grâce à ce qui s’allume devant notre regard par la vision rétrospective de ces différentes phases de vie, nous pouvons comprendre ce qui s’accomplit dans les sphères de Mars, de Jupiter, de Saturne, pour la préparation de l’homme à sa vie terrestre future. Là, dans ce domaine où nous entrons après notre existence solaire, tout d’abord dans l’existence martienne, puis dans l’existence jupitérienne, puis dans l’existence saturnienne, les entités qui agissent pour l’homme sont manifestement celles des Hiérarchies les plus élevées : les Trônes, les Chérubins, les Séraphins. C’est avec la sphère de Mars qu’apparaissent les Trônes, avec celle de Jupiter les chérubins, avec celle de Saturne, les Séraphins.

Lorsqu’on passe à travers cette seconde moitié de la vie qui s’écoule entre la mort et une nouvelle naissance, les conditions sont, encore une fois, à un certain point de vue, à l’opposé des

conditions de la vie terrestre. Ici-bas, nous nous tenons debout sur la terre et nous regardons au dehors l’étendue du monde stellaire, nous apercevons ses merveilles et nous les laissons agir sur nous dans toute leur sublimité. Par contre, lorsque, poursuivant notre vie au-delà de la sphère solaire, nous nous préparons à notre vie terrestre future, à travers les sphères de Mars, de Jupiter et de Saturne, nous nous trouvons plongés, de quelque côté que nous nous tournions, dans une vie

religieuse.

Nous abaissons le regard vers la terre, la terre ne nous apparaît pas sous une forme physique telle que nous la connaissions ici-bas, mais comme une puissante vie spirituelle tissée des faits qui s’accomplissent dans Mars, dans Jupiter, dans Saturne, formée des actes des Séraphins, des Chérubins et des Trônes. Ce n’est plus tout à fait comme ce que j’ai exposé précédemment ; alors nous sentions en nous l’univers entier, les Exusiaï, les Kyriotetes, les Dynamis, nous les sentions en

nous ; maintenant qu’abaissant nos regards, nous éprouvons ce que sont les actes des Séraphins, des Chérubins, des Trônes, nous les voyons tout d’abord extérieurs à nous ; nous voyons le ciel suprasensible s’étendre au-dessous de nous. Car le monde suprasensible est au-dessous de nous, et nous embrassons du regard le ciel spirituel. Nous voyons, en bas, dans les sphères de Mars, de Jupiter et de Saturne, vivre et travailler, à leur manière, les Trônes, les Chérubins et les Séraphins.

Quel est le spectacle qui s’offre à nos yeux lorsque nous considérons ce travail ? Nous voyons les Séraphins, les Chérubins et les Trônes vivre eux-mêmes d’une manière suprasensible ce que sera l’accomplissement de notre Karma dans notre vie terrestre ultérieure. Ce que nous devrons vivre

nous, hommes, par le fait d’autres hommes, parce que nous avons noué un Karma avec eux d’une manière ou d’une autre, c’est cela que nous ressentons pour la première fois à travers les actes divins, parmi les Séraphins, les Chérubins et les Trônes. Ceux-ci définissent entre eux ce que nous vivrons dans notre vie terrestre ultérieure. Les dieux sont véritablement les créateurs de l’homme, mais ils créent aussi notre Karma. En voyant les dieux réaliser les premiers l’accomplissement de notre Karma en une image céleste, nous recevons une impression profonde dont nous emportons le souvenir dans la suite de notre existence. C’est à ce moment que nous nous chargeons réellement de notre Karma tel qu’il s’accomplira, l’ayant aperçu pour la première fois à travers les actes divins

des Séraphins, des Chérubins et des Trônes. Nous assistons de la sorte à tout ce qui devra nous arriver au cours de notre prochaine vie terrestre ; nous voyons notre destinée accomplie par les dieux.

Comme vous le voyez par-là, grâce à la science initiatique il est possible d’acquérir la connaissance du Karma par l’étude de la vie que mène l’être humain durant la seconde moitié du passage qu’il effectue entre la mort et une nouvelle naissance, et en déchiffrant ce qui s’accomplit dans les sphères de Mars, de Jupiter et de Saturne, par l’action des Trônes, des Chérubins et des Séraphins. Celui qui a appris à revoir en esprit la période de sa vie qui s’est écoulée de 42 ans à 49 ans, voit s’offrir à son regard les Mystères de Mars, le devenir de Mars, il peut sonder, jusqu’à un certain point, ce qui s’y accomplit principalement par l’action des Trônes, mais aussi, dans l’ensemble, par l’action des Séraphins et des Chérubins, tandis que l’être humain traverse la sphère de Mars.

Ici-bas, en tenant uniquement compte de la vie terrestre, on ne saurait juger de la manière dont s’accomplit le Karma d’un être humain. Il faut, pour cela, s’aider du monde suprasensible. Et

lorsqu’on veut faire des études relatives au Karma, on doit précisément s’attacher à cette partie de l’univers que l’homme traverse entre la mort et une nouvelle naissance, dans les sphères de Mars, de Jupiter et de Saturne.

Pour certains hommes, les événements déroulés dans la sphère de Mars décident, presque entièrement, de leur vie terrestre ultérieure. Vous Contemplez cette sphère de Mars, vous voyez ce qui s’y déroule. C’est, en particulier, ce que je veux ici nommer le Verbe Cosmique. Tout y est parole. Les êtres de Mars ne sont que des êtres-paroles, si cette expression m’est permise.

Représentez-vous l’homme terrestre, il est constitué de chair et de sang, il vit, il parle, et, par ce fait, il met l’air en mouvement. Au moment où les ondes de l’air frappent notre oreille, nous entendons ; les sons s’incarnent dans des ondes de l’air. Ainsi sont les entités de Mars, toutes formées d’ondes sonores, leur être entier n’est que paroles. Lorsqu’on exerce l’audition spirituelle, on fait l’expérience de ces entités.

Lorsque, plus tard, on voit, rétrospectivement, la période de vie qui s’est écoulée entre 42 et 49 ans, si cette sphère de Mars est celle qui a agi le plus fortement sur l’homme durant la vie

désincarnée, et si son Karma s’y est élaboré tout spécialement, il en résulte que ce qu’il vivra plus tard sur la terre sera très fortement lié à l’être même de la terre. De l’au-delà, cet homme considère, à travers la sphère martienne, la période correspondante de sa vie écoulée. Il se forge, pour l’avenir, une vie terrestre qui se rapportera très étroitement au destin de la terre.

Prenons un exemple. Cet exemple est celui d’un homme ayant vécu au temps où les Arabes, sous l’impulsion de Mahomet, arrivaient d’Asie à travers le nord de l’Afrique, et, belliqueux,

menaçaient l’Europe, et établissaient en Espagne conquise leur empire mauresque. Cet homme, à l’époque précédant l’expansion de la domination arabe en Afrique, avait acquis les connaissances scientifiques propres à son temps, cet homme a existé, il a reçu, dans l’Afrique du Nord, la culture de l’époque un peu comme l’histoire nous l’apprend de saint Augustin, pourtant d’une manière différente. Cet homme n’était pas saint Augustin, mais une autre personnalité qui vécut plus tard et

qui s’assimila la science nord-africaine avec la nuance qu’y apportait l’esprit mauresque. Cette personnalité passa ensuite en Espagne, où s’opéra comme une conversion de ses croyances ; elle s’orienta alors vers une conception plus chrétienne et unit cette conception chrétienne nouvellement

adoptée, aux conceptions arabes acquises pendant les années précédentes ; elle reçut déjà alors les échos d’une sorte de science cabalistique, non point encore de ce qu’on nomme aujourd’hui la cabale, mais des prémices de la pensée cabalistique, elle fut alors assaillie de doutes nombreux, de

doutes intimes, d’incertitude intérieure, et mourut dans cette incertitude. C’était une personnalité masculine ; elle se réincarna assez rapidement, avant le milieu du moyen âge, sous la forme féminine. Tout ce que la vie précédente avait accumulé en elle de doutes continua de pénétrer plus

profondément dans sa nature. Plus tard cette personnalité réapparut, fortement marquée du fait que, dès ses incarnations antérieures, et, plus tard, alors qu’elle passait de son incarnation féminine à une incarnation masculine, elle reçut de la sphère de Mars l’empreinte fondamentale de sa prochaine vie

terrestre. Elle devint étroitement apparentée à tout ce qui vit et se meut sur la terre, et acquit de la sorte une intelligence rationnelle particulièrement aiguisée, dont le caractère était nettement logique et combatif. De cette personnalité que nous avons caractérisée en deux de ses incarnations antérieures, naissait finalement Voltaire.

Vous voyez, par cet exemple, comment la vie terrestre s’élabore et se prépare durant la vie qui s’écoule entre la mort et une nouvelle naissance par l’union de l’apport humain et de tout ce quivit derrière les étoiles. Nous ne pouvons absolument rien connaître de la marche historique de l’évolution terrestre, si nous ne prêtons pas attention au rapport de chaque vie humaine avec les autres vies terrestres de la même personnalité.

Comment donc se transmettent, d’une époque ancienne à une autre époque plus récente, leseffets et les causes des évolutions historiques ? Ce sont les hommes eux-mêmes qui transmettent ces effets et ces causes. Vous tous qui vous trouvez réunis ici, ce que vous expérimentez durant l’époque actuelle de notre civilisation, vous l’avez apporté de vos expériences faites à des époques antérieures. Les hommes construisent eux-mêmes l’histoire. Et nous ne pouvons comprendre cette construction de l’histoire que lorsque nous sommes à même de porter nos regards d’une manière concrète sur tout ce qui s’accomplit dans l’homme entre la mort et une nouvelle naissance.

Pour la compréhension de la vie terrestre de l’homme, il est très particulièrement important d’étudier une évolution karmique où l’être ait apporté de ses vies antérieures des conditions toutes

particulières, où les impulsions fondamentales de son Karma aient été créées dans la sphère de Saturne. Les hommes qui se créent clans la sphère de Mars les impulsions fondamentales de leur Karma, deviennent tels que Voltaire. Leurs pensées tiennent fortement à la vie de la terre, ils la critiquent, ils la combattent, et ils la conçoivent fréquemment d’une manière telle qu’ils aiment à la résumer en sentences, comme Voltaire en eut le don génial.

La chose se présente tout autrement lorsque le Karma a été principalement formé dans la sphère de Saturne. Les impulsions saturniennes exercent, à vrai dire, un effet très spécial sur l’être

humain. La seule vision des Mystères de Saturne, que l’on embrasse du regard lorsqu’on revoit de sa vie la phase qui s’est écoulée entre 56 et 63 ans, la seule vision de ces Mystères a quelque chose de fortement émouvant, de terrible. Ces Mystères sont, en un certain sens, étrangers à la vie terrestre, et celui qui en fait progressivement l’expérience, grâce à la science initiatique, celui qui voit se dévoiler les Mystères de Saturne, fait une expérience dont le caractère dramatique va

s’intensifiant, une expérience qui devient de plus en plus bouleversante, de plus en plus difficile à soutenir, parce qu’elle s’attaque à la vie. Il faut dire aussi que l’on ne peut découvrir toute la magnifique signification de l’être humain, dans ses divers rapports, que lorsqu’on contemple, dans cette sphère de Saturne, l’élaboration de son Karma. Donnons, ici encore, un exemple, je dois seulement, à ce sujet, ajouter quelques paroles préparatoires.

Il est une question qui pourrait être formulée, une question qui serait tout à fait légitime, et serait basée sur une de mes affirmations les plus fréquemment posées au cours de mes conférences ou de mes ouvrages, à savoir qu’il a existé dans les temps anciens de grands Initiés qui vivaient parmi les hommes. Vous pourriez vous demander : où sont-ils ces Initiés, à l’époque actuelle ? Si vous examinez l’époque actuelle et si vous considérez les personnalités qui y sont agissantes, il est probable que vous n’aurez pas souvent l’impression que ces personnalités portent le caractère d’Initiés. Il en est ainsi, somme toute, depuis longtemps. Et cette question peut se poser : que sont devenus les Initiés dans leurs incarnations ultérieures ?

L’homme qui s’est trouvé être un initié pleinement conscient dans une incarnation antérieure, et ceci même vis-à-vis du monde extérieur, cet homme ne garde généralement pas ce

caractère dans son incarnation suivante. L’initiation peut demeurer dans la subconscience, car l’homme est bien obligé d’utiliser le corps que lui fournit l’époque où il s’incarne et les corps actuels ne sont pas très adaptés à la science spirituelle, ils sont un obstacle perpétuel à cette science, parce qu’ils sont formés par une époque aux tendances matérialistes, et notre éducation, telle qu’elle nous est donnée depuis la plus petite enfance, s’y oppose encore plus nettement. Lorsque, ayant été

autrefois un initié, on naît au sein de cette culture et de cette éducation, on ne peut plus manifester à l’extérieur, en cette incarnation présente, ce qu’on a conservé de son ancienne initiation. On apprend à écrire, et l’écriture actuelle ne permet pas d’exprimer ce qui était autrefois la science initiatique. Il en est de même de toutes les autres conditions de la vie, et il en résulte que les Initiés des époques passées apparaissent, au sein de la vie moderne, avec une grandeur d’une autre sorte ;

ces hommes sont grands d’une manière ou d’une autre, mais ils ne sont pas initiés. Bien des vies de contemporains ou de grands hommes récents reportent à une initiation passée.

Je voudrais vous en donner un exemple : exemple d’une personnalité qui a été réellement initiée dans ses vies terrestres passées ; elle fut initiée dans les Mystères d’Hibernie, les Mystères d’Irlande. C’était au début de l’ère chrétienne, alors que les grands Mystères d’Hibernie étaient déjà sur leur déclin, mais conservaient pourtant un savoir grandiose. Cette personnalité y fut initiée à un degré supérieur. Or ces Mystères d’Irlande étaient d’une profondeur toute spéciale, une profondeur non pas intellectuelle, mais purement humaine et générale. L’une des impressions cultuelles que l’on y pouvait recevoir était, par exemple, la suivante : après avoir été longuement préparé à reconnaître le caractère trompeur des vérités terrestres, la possibilité du doute, on était amené à faire

une expérience imagée de ces choses qui ne peuvent produire de forte impression que par image. Le disciple était conduit devant deux statues. L’une se présentait comme un corps élastique, mais creux à, l’intérieur. Elle était d’une grandeur majestueuse et produisait sur celui qui l’apercevait une

impression puissante. Le disciple devait toucher cette statue. Ce contact le bouleversait intérieurement et l’épouvantait d’une manière terrible, car la statue donnait la sensation d’être

vivante. On y enfonçait le doigt on le retirait aussitôt, et la forme aussitôt se rétablissait. On avait l’impression d’une vie qui résidait là et qui se rétablissait dès quelle était attaquée si peu que ce fût.

Cette expérience était destinée à faire sentir tout ce qui, dans l’être humain, est de nature solaire.

L’autre statue était plastique, lorsqu’on la touchait l’impression du doigt y demeurait. C’est seulement le jour suivant que l’on voyait la statue revenue durant la nuit à son premier état. Des

actes cultuels de cette nature provoquaient une transformation de la vie intérieure. La personnalité dont je veux vous parler accomplissait dans ces Mystères une incarnation masculine et en avait reçu profondément l’empreinte. Il est compréhensible que lorsqu’on donne aujourd’hui des exemples d’incarnations passées on tombe plus facilement sur des incarnations masculines, car autrefois les hommes étaient presque seuls, à jouer un rôle, et les incarnations féminines constituaient un

intermédiaire. De nos jours, la femme commence à avoir une place importante dans l’évolution historique et nous voyons venir le moment où l’on aura beaucoup plus souvent d’incarnations féminines à étudier.

Nous trouvons donc une personnalité sur laquelle les actes cultuels des cérémonies d’initiation usitées dans les Mystères Hybernéens avaient produit une impression énorme

provoquant dans sa vie intime des émotions grandioses. On peut dire que cette âme fut tellement remplie par ce qu’elle vivait là d’émotion intérieure que, de toute son âme, elle oublia la terre. Par la suite, après avoir traversé une incarnation féminine durant laquelle les impressions initiatiques de son passé ne se manifestèrent que dans la disposition générale de son âme, cet être apparut au XIXe siècle sous les traits d’une personnalité considérable. Cette personnalité accomplissait les suites du Karma qu’elle avait élaboré principalement dans la sphère saturnienne, dans cette sphère où l’homme se trouve mêlé à des entités qui n’ont réellement « point de présent ». C’est là ce qui bouleverse si fortement le clairvoyant qui pénètre dans la sphère de Saturne, ainsi que je l’ai exposé.

Cette sphère est habitée par des entités qui, à vrai dire, ne sont pas actuelles, qui vivent entièrement tournées vers leur passé ! Ce que ces entités accomplissent s’opère inconsciemment, et un acte qu’elles accomplissent ne parvient à leur conscience que lorsqu’il est réalisé, inscrit clans le Karma des mondes. Connaître ces êtres, qui traînent derrière eux leur passé comme une queue de comète spirituelle, est une chose bouleversante. Cette personnalité qui avait été autrefois initiée, et qui s’était élevée très au-dessus de l’existence terrestre, apporta son âme à ces entités qui ne prennent aucune part au temps présent et élabora son Karma parmi elles. Ce fut alors comme si tout ce

qu’elle avait vécu, à tire d’initié, venait éclairer d’une manière grandiose et majestueuse l’immense passé des vies terrestres qu’elle avait traversées. Ce fut comme une fécondation de tout ce passé, grâce à ce qui avait été vécu dans les Mystères d’Hibernie, et lorsque cette personnalité apparut de nouveau sur la terre, elle se trouva être en contraste avec les impulsions d’avenir parmi lesquelles l’évolution ultérieure de son âme allait avoir à s’accomplir. Cette âme avait été tournée vers le passé

dans la sphère de Saturne, elle en redescendit directement sur la terre, et, du fait que le passé avait été, pour elle, illuminé par l’initiation, elle fut une personnalité fortement établie au sein de la vie terrestre mais douée d’une vision de l’avenir, une personnalité en qui vivaient de vastes et puissantes idées, des impulsions et des sentiments grandioses : cet initié d’Hybernie fut Victor Hugo.

Ainsi, nous ne comprenons réellement un homme que lorsque nous le considérons dans ses rapports avec l’évolution qu’il a accomplie entre la mort et une nouvelle naissance. En l’étudiant de la sorte, nous apercevons l’ensemble de ses qualités morales, religieuses, éthiques. Une personnalité n’est pas appauvrie, mais enrichie, du fait qu’elle est étudiée à la lumière de l’esprit.

De tels exemples sont tirés avec exactitude, par la science spirituelle, de l’histoire de l’évolution humaine. Comment nous expliquent-ils la vie humaine, l’interaction du monde et de

l’homme ? Comment éclaircit-on, grâce à la science spirituelle, des cas qui pourraient sembler énigmatiques à un observateur impartial ? Comment peut-on comprendre, grâce à l’exposition des complexités karmiques, ainsi que nous le montrera un troisième exemple, ce qui semble habituellement étrange, inexplicable ?

Ceci nous reporte à un genre de Mystères tout à fait déchus, les mystères qui jouèrent jadis un grand rôle en Amérique et qui tombèrent en décadence, de sorte que les conceptions cultuelles elles-mêmes y devinrent très puériles, en regard de leur grandeur passée. Le caractère de superstition, de sorcellerie, de magie qui restait attaché à ces mystères, quelque temps avant la découverte de l’Amérique, ce caractère trahissait encore quelque chose de la puissance et de la force

suggestive qu’avaient possédées ces anciens mystères. C’est là que vivait une personnalité dont je veux vous parler ; elle reçut, au sein de ces Mystères, des conceptions et des impressions profondes, provenant de certains êtres-forces considérés là comme des entités exerçant sur l’homme une influence puissante, mais en quelque sorte impure. Ce qui caractérise le plus souvent les Mystères en voie de décadence, c’est qu’ils exercent des influences impures du point de vue éthique.

Je vois cette personnalité s’incarner par la suite deux fois sous la forme masculine, et pénétrer fortement sa subconscience de la force suggestive qui procédait de ces anciens mystères.

Puis cette personnalité naquit à nouveau : c’était Éliphas Levi, elle revécut le contenu de ce qu’on peut nommer une sagesse initiatique décadente, mais par le moyen de simples concepts, abstraits, rationalistes et purement extérieurs. Ceci jette aussitôt une lumière sur cette apparition énigmatique, qui ne manque pas d’une certaine grandeur en ses ouvrages, mais qui exerce une influence de trouble, qui rend les âmes tout à fait incohérentes, ou même émoussées et stupides.

De quelque côté que nous tournions notre regard, la vie s’éclaire grâce aux rapports que peut établir l’Anthroposophie, non pas abstraitement, mais d’une manière concrète. En écoutant des descriptions exactes de ce qui s’accomplit au-delà de la vie terrestre on ne peut pas ne pas éprouver une émotion intime, ne pas ressentir une chaleur et une lumière intérieures. La vie de l’homme entre  la mort et une nouvelle naissance ni apparaît-elle pas toute différente, ne la sent-on pas tout

autrement, lorsqu’on laisse réellement ces descriptions agir dans l’âme ? On porte alors ses regards vers les mondes spirituels, sachant que l’on en est descendu et que l’on a apporté dans le monde physique ce qui avait vécu parmi les dieux. L’important n’est pas de le comprendre théoriquement ;

mais sentir que l’on est un être humain descendu de sphères qui peuvent donner lieu à de pareilles descriptions, cela implique un sentiment de la responsabilité qui nous échoit ici-bas dans notre corps physique, cela implique le désir de devenir digne de tout ce qui est descendu, avec nous, de ces sphères. Lorsque la connaissance se transforme de la sorte en impulsion volontaire, en volonté d’être digne de la vie qu’a mené l’âme avant sa descente vers la naissance, alors les notions enseignées par l’Anthroposophie deviennent des impulsions morales directes. Le renforcement des impulsions morales est un aspect essentiel de l’Anthroposophie. Je crois que c’est là ce qui ressort du mode de description qui a été usité dans ces trois conférences.

Tournons-nous vers l’autre aspect qui est celui de la mort, celui qui clôt l’existence terrestre ; où vivait un être humain, la mort place le néant, mais, dès que nous décrivons ce que le monde suprasensible nous permet de connaître, un monde spirituel de dieux se dresse derrière ce néant, et l’homme acquiert la conscience de posséder assez de force pour commencer, aussitôt que le néant lui retire son corps physique, le travail d’élaboration d’un autre corps physique à venir.

Ceci donne une puissante impulsion religieuse. L’Anthroposophie fournit un tableau de la vie de l’univers et de la vie humaine ; ainsi se fortifient par elle les idéaux religieux et moraux. Ce contenu de l’Anthroposophie est celui dont je voulais vous parler au cours de ces trois brèves conférences qu’il m’a été donné de faire parmi vous.

Je voudrais terminer ces conférences en attirant votre attention sur ce que doit être, même entre nous, l’Anthroposophie vivante, l’Anthroposophie réelle, afin que, lorsque nous nous séparons dans l’espace, nous restions ensemble en esprit, alors nos pensées se retrouveront et nous ne nous

séparerons pas en réalité. La compréhension que nous confère l’Anthroposophie et la contemplation du monde suprasensible, nous enseignent que les personnes réunies par l’Anthroposophie peuvent toujours se trouver spirituellement. C’est pourquoi nous pouvons terminer ces conférences privées

en nous disant :

 

nous fûmes, vous et moi, réunis un instant dans l’espace, nous voulons rester bien fortement unis dans l’esprit. C’est par ces paroles que je veux clore ces considérations.

 

 

Traduction Germaine Claretie.